poèmes

Mais la Ville bougeait dans la paume de ma main (Benno Barnard)

Jan Vanriet (2004, Métro Brouckère)

L’art peut aider à vivre son deuil. Via la poésie, nous pouvons être autrement en lien avec des thèmes comme la mort, le manque, l’amour, la tristesse... Depuis de nombreuses années, des poètes du Collectif de Poètes Bruxellois écrivent, soutenu par Passa Porta et en étroite collaboration avec le Collectif les Morts de la Rue, un poème pour chaque habitant de la rue décédé. Ces poèmes sont lus en public pendant la cérémonie annuelle. Les poètes se basent sur les récits de vie des défunts.

Certains poètes du Collectif de Poètes Bruxellois accompagnent aussi nos actions tout au long de l’année, en écrivant des poèmes, en accompagnant au cimetière, en aidant des proches à écrire des textes, en participant aux réunions,...

Tous ces poèmes seront publiés sur cette page web. Nous vous invitons à les lire, peut-être pas tous en une fois, mais à l’occasion..

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’still’ de la lecture de la litanie par Maarten Goethals et Milady Renoir (Piet Joostens, 2020).

Litanie pour 62 morts de la rue à Bruxelles en 2019, lu en 2020 pendant la cérémonie annuelle avec les contributions de : Taha Adnan, Frank de Crits, Maarten Goethals, Serge Meurant, Ramón Neto, Anne Penders, Xavier Queipo, Milady Renoir.

Petrov, 68 ans
Foudroyé par un malaise,
tu mourus à un arrêt de tram
du quartier populaire
où tu vécus.

Radosław, 37 ans
Tu venais de quitter la rue,
de trouver un toit,
nul ne sait ce qui provoqua
la rixe mortelle.

Ashok, 68 jaar
Gij – in het verleden
Van al uw talen.
Gij zult nimmer meer verdwalen
Nu gij (koning en kroon) de stilte hebt betreden.

Wiesław, 56 jaar
En dan, dan in een laatste dans
Viel hij –
Viel hij dagenlang, zonder te dalen.
Hier in Brussel, eeuwig viel hij vlakbij.

Abdelkader, 55 ans
Cinquante-cinq printemps
Cinq vagues d’adieu
Et un cercueil renvoyé
Vers le pays au million de martyrs

Raphaël, 42 ans
Tu n’as pas soufflé tes bougies d’anniversaire
Et as enfoui ton cœur dans un cercueil
Tes larmes ruissellent
En quittant une vie mortelle

Bernard, 58 ans
Je ne vous ai pas connu.
On me dit que vous dessiniez, vous lisiez.
Vous auriez aimé, je crois, que l’on s’assoie ensemble
sur les marches au soleil regarder passer les gens pressés.

Gérard, 55 ans
Parfois les mots sont dépourvus.
Ils arrivent trop tard.
Ils croisent la mort, venue trop tôt.
Reste une pensée, une fleur de printemps, déposée près de vous.

Ahmed, 66 jaar
De dood is weliswaar geen gezelschapsdier
En zeker geen vriend van jan en alleman
Toch komt hij overal ongevraagd op bezoek
Het fatale gebeuren is één triestigheid

Michel, 48 jaar
Groot en sterk en vast in zijn schoenen
Zijn schuilhut was helemaal niet ruim
Hij stierf in een groot ziekenhuisbed
De dood schepte hem op van de straat

Renaud, 39 ans
Comment fut cette nuit-là ?
Comment osa-t-elle priver le lendemain
de ton sourire rayonnant, de ton humour ?
Toi, ce grand blagueur dans l’âme.

Louis, 54 ans
Passionné du septième art,
ton parcours de rue fut tout sauf du cinéma.
Amateur aussi de chanson française,
tu pousses toujours la chansonnette avec nous.

Patrick, 51 ans
Tes rêves n’ont pas vraiment pris fin,
Ils se dispersent entre des lits et des rives.
Passeur du trop, Tisserand d’un sourire si rapide à la faux,
Cent et un de tes rires vagabondent de pieux en autres lieux.

Mariusz, 42 ans
Dobranoc et dobrej podróży vers ta Terre, la tourbe, ta lumière,
Dobranoc et dobrej podróży à l’ombre des miroirs et des alouettes,
Que les chênes, les ormes fiers sur les bords du marais de Biebrza
laissent le pivert creuser en leur tronc un trou nid pour ta mémoire.

Pierre, 78 jaar
Niet namens de geëerde spreek ik, dit kwatrijn over
een onbekende die ooit in bloei stond schrijf ik voor de maan.
Nu de wereld zo bijzonder vreemd is geworden
heeft u ons op tijd verlaten, meneer.

Jacques, 55 jaar
Voor ons allen is de toekomst een zee van melodieën.
Deze woorden zijn vloedgolven van zand,
ze wachten tot je muziek toevallig gaat stromen,
ze duiken op in de onzekere nachten vol dromen.

Jarosłav, 32 ans
Le cancer a coupé
bien trop tôt
le fil de ta vie.
Tu laisses trois orphelins.

Antonas, 58 ans
Tu es mort paisiblement
dans ton sommeil,
à l’abri de la rue.
Tu laisses quatre orphelins.
Personne ne fut averti de ton enterrement.

Thierry, 62 jaar
Uit steen kapte gij de voering van uw kleren.
Uit de lucht de lach in uw longen.
Maar tegen het likkend lood van de dood
Kan niemand – ook gij niet – zich staand verweren.

Amanuel (alias Solomon alias Ibrahim), 33 jaar
Langs de gestrekte lijnen van uw leven
(Tussen land en balans) ;
Langs het ijzer van uw smetteloos lijden ;
Langs uw neus raast de dood opeens als een trein voorbij.

Pascal, 62 ans
Qui, après toi,
Parlera livres et films
Qui, avec les copains d’infortune
Recollera des bouts de rêves ?

Mohamed, 64 ans
Au terme d’une vie invisible
Toute faite d’attente
Tu prends le pas du premier cri
Et rejoins une patrie de poussière

Thierry, 50 ans
Une fille, une famille.
Laissées derrière, de côté.
Et la rue, au quotidien. On sait si peu de ceux qu’on croise …
Il arrive parfois qu’ils soient soulagés de quitter ce monde à l’envers.

Mohamed, 36 ans
On n’en sait pas plus. Ce qu’on me dit. C’est trop peu.
Vous portez le prénom de trois de mes voisins.
Un prénom de prophète. Venu de loin.
C’est tout ce qu’on sait. Et votre âge. Si jeune encore. C’est trop peu.

Mohamed, 49 jaar
Hij beoefende wonderwel de kalligrafie
Zijn kennis van de koranverzen was zijn heil
Lachend liep hij in het leven van de straten
tot de dood hem ongewenst inhaalde

Frédéric, 48 jaar
Hij hield van goed leven, zag niet op een feestje meer
Of minder uitbundig aangenaam, was helemaal weg
Van heftige rock : AC/DC The Cure Sisters of Mercy
De dood heeft zijn levenslust kapotgemaakt

Vanessa, 44 ans
Tes longs cheveux bruns et tes petits yeux rieurs.
Ton sens de l’humour et ton cœur fidèle et câlin.
Tes mandalas aux mille couleurs et tes t-shirts illustrés d’animaux.
Tellement de vie qui pétille encore dans le souvenir.

Geoffray, 26 ans
Gentil et attentif,
on nous parle de ton long parcours à la recherche de ta voie.
Long ?
Et tu n’avais que 26 ans quand tu es parti ?

Valérie, 43 ans
Un sourire de toi gravé dans les pavés de de Brouckère
ouvre un champ de fleurs dites de « bonne humeur »
Tes mains tendues s’ouvrent en forme de Cœur
Née Poissons, tu nageras couramment dans les proches rivières.

Michel, 60 ans
Au milieu des mots et des gens,
avais-tu appris à retomber sur tes pieds ?
Géant souriant à barbe souple, le centre ville était ton coquillage.
Géant d’60 ans à vie trouble, la gentillesse restera ton village.

Abdelkrim, 35 ans
De tirannieke werkelijkheid heeft hem verwoest.
Hij wilde zijn wereld kennen opstandig in een snijdende kreet
midden in de nacht, midden in een greppel.
Wat bedoel je met hij was pas vijfendertig toen hij stierf ?

Alexandru, 48 ans
Discreet als de omhelzing van een klimop,
geduldig luisterend, vriendelijk antwoordend,
verstikt in aanhoudend verdriet, werd hij plots trager
als treinen die bij valavond het station verlaten.

José Luis, 54 ans
Peut-être, passant près de la Bourse,
me suis-je arrêté pour t’écouter
jouer de la guitare, entouré d’amis.
C’était une fête !
La mort t’a ramené au pays.

Unayan (alias Bobo), 70 ans
Tu avais, malgré ton âge,
l’allure d’un jeune homme.
Tu étais libre comme l’air.
Aux questions, tu répondais « bobo ».

Sonia, 49 jaar
Een huis : úw huis. Klein, en vol klaarte en kennis.
En in elke kamer een ander klimaat.
De dood ? Een storm die het dak licht
(De hemel : donker en drachtig ;
Een week en paars aangezicht.)

Albert, 48 jaar
Jij, die languit onder het lachen
Als onder een laken kruipt. Jij, die slaapt
Onder het gewicht van vele gevelde levens.
De dood is een wees ; is winter, is warmte.

Illia, 58 ans
Une décennie d’errance
Toi, le Bulgare au grand cœur
Mère doublement éprouvée
Ignorant la photo d’un fils étranger

David, 35 ans
Vas-y doucement, toi qui passes, souffrant
La route guette les rêves et les vies
Et cette patrie plus étroite qu’une tente
N’est pas tendre avec ses enfants brisés

Mohamed, 44 ans
Je me souviens de l’air vif dans la lumière de février.
Et des oranges, sur le marché. Les enfants qui tiraient mes manches.
Est-ce pour protéger les vôtres que vous les avez quittés ?
Est-ce l’avenir d’ici qui vous a trahi ?

Jarosłav, 55 ans
C’est un air de guitare
Un chant de l’Est
Un sourire dans votre langue
Qui toujours vous accompagne

Mirosłav, 61 jaar
Ver van huis, naar hier heengegaan
Leefde hij op straat en stoep tussen
Zijn lotgenoten in ongeluk en heimwee
De dood had haast en sleurde hem mee

Ionut, 35 jaar
Hij had na lang zoeken zijn squat gevonden
In de warmte van de zomer stookte hij vuur
De brand heeft hem hardhandig weggerukt
Mensen keken naar de vlammen naar de onbekende

Aziz, 55 ans
Retourner à la terre à laquelle on appartient ;
à celle dont on voudrait que nos cendres s’imprègnent.
Mais, au bout du compte, toute terre et toute cendre
ne devient-elle pas une même poussière d’étoiles ?

Thierry, 50 ans
Avec ton chat Poupousse
et ta coiffure rockabilly retrouvée ;
où que tu te trouves, on t’imagine bien,
toi, grand fan d’Elvis, nous chantonnant Always on my mind.
André, 47 ans
Chevalier blanc, dernière halte à l’auberge,
tes services sont rendus, tes savoirs entendus,
ton silence n’est pas nouveau,
chaque ami.e te vivra sans repos.

Victor, 73 ans
Rien qu’un voyage de plus, finalement,
Des transports, de l’amour ou du corps,
Tu fus cet homme hors des communs,
Bon vivant, bon croyant, un homme important.

Luc, 66 jaar
Groot en slank als een lange dag van vasten,
gedreven als een eenzame goudvis,
heeft hij onophoudelijk zijn weg gebaand
en gezwommen in de kring van een vijver.

Przemisłav (alias Przemek), 37 jaar
Een dag brak aan, klein maar hard als steen,
baggeren was het, in de dieperik van toeval en as,
vervuld van dromen en alleen met zijn geloof
om zichzelf te verliezen in de stad van kristal.

Aneta (alias Caroline), 36 ans
La douleur de te savoir seule
au moment de mourir,
jeune morte,
mère d’un jeune orphelin.

Constantin (alias Bilâ ou Bielen), 60 ans
Handicapé, tu faisais la manche.
Les habitants du quartier admiraient
ton courage. Leur générosité t’avait permis
d’acheter une chaise roulante électrique.
Cependant, tu vivais dans une tente.
Tu disparus un jour.
Sommes-nous coupables ?

David, 42 jaar
Van zaterdag op zondag : een zalving –
Nat en glad. Een witte glans
Waarin het leven glijdt. De dood is een zege
Zonder overwinning.

Jean-Luc, 60 jaar
Jij, in je habijt, kent spijt, nijd
Wrok noch amok. Jij ging op en neer –
Dagenlang aan het Justitiepaleis.
De laatste heenreis is een lift naar boven.

Sabine, 62 jaar
In ’58. Toen Brussel blonk : glimmend
Van voortgang en vrede. In ’58.
Toen de wereld als een plant aardde in ijzer
En almacht, was zacht jouw eerste glimlach.
In één, negen, vijf, acht.

Dimitri, 52 ans
Adieu, sage hellénique
Il n’est plus de place sur terre pour tes rêves
Qu’éclate ta musique en ton repos éternel
Et envole-toi vers l’Équateur.

Alain, 49 ans
Vous êtes parti comme vous étiez :
Calme et discret.
On aimerait croire parfois
Qu’ailleurs on vous prendra la main, avec votre gentillesse …

Marcelle, 74 ans
Elle. Le féminin dans son prénom.
Conçue pendant la guerre, en a connu d’autres.
Forte, solitaire. Elle. A tenu tant qu’elle pouvait.
En parlant aux animaux.

Michael (alias Mike), 64 jaar
Als globetrotter verzeilde hij uiteindelijk hier
Als echte Brit dronk hij zijn thee met melk
Hij was een zware supporter van Leeds
De stad zijn doolhof werd zijn graf

Yves, 34 jaar
Een grote dromer een grote grappenmaker
Hij zat altijd met zijn neus in filosofie
Zijn leven was een gevecht tegen het ongeluk
De dood zag hem lopen en nam hem mee

Laurent (alias Tatou), 45 ans
Maelbeek, Arts-Loi, Parc, Gare Centrale,
La Fontaine, Diogenes, la MédiHalte ...
tant de lieux imprégnés de ta présence
– toujours souriant, gentil, doux.

Leszek, 45 ans
Retourner au pays ? Qui ou quoi t’attendrait là ?
Et ici, que reste-t-il encore de toi ?
Ta présence calme et aimable – émanant
de ces petits parfums que tu offrais comme cadeau.

Gherasim (alias Sorin), 45 ans
Né au printemps, au creux des courbures des Carpates,
Roi d’une ville de couronnes, Roi d’une vie de mille pas.
Sorin, ton surnom signifie l’arbre dessiné en haut d’une pagode.
Qu’au lieu où tu dors, tu sois protégé comme montagne sous ciel.

Pascal, 53 ans
Ta douceur reste entre les lignes de nos mains ;
Comme tes secrets : recette d’chicons au gratin
ou jeu vidéo jusqu’au p’tit matin. Ta vie ?
Une chanson qui fera boucle sur notre Radio Nostalgie.

Litanie pour 67 morts de la rue à Bruxelles en 2018, lu en 2019.
Avec les contributions de : Frank de Crits, Maarten Goethals, Geert van Istendael, Manza, Serge Meurant, Ramón Neto, Anne Penders, Xavier Queipo.

Jean-Pierre, 76 ans
De ses cannes il disait qu’elles étaient le lien entre le ciel et la terre, mais
aussi l’attribut du chef. Bricolées au gré de ses trouvailles,
chaque canne est aujourd’hui un bout des Marolles en vadrouille.

Zbigniew, 56 jaar
En toen dacht je : de nacht. Maar niet de nacht
vannacht. Niet in de nacht van een nieuw, aanminnig jaargetij.
Maar morgen : morgen is meer dan goed. Morgen
Is een dag zonder zorgen.

Haritsoa, 73 ans
Tu semblais désorienté. Ce n’était pas l’Étoile polaire,
mais bien la Croix du Sud, qui te montrait le nord.
Quelque part, au sud de cet impitoyable nord, un ravinala,
l’arbre du voyageur de Madagascar, pousse déjà pour toi.

Zbigniew, âge inconnu
Rien
C’est à peu près tout / ce que l’on sait
Quelques mots ne seront pas de trop
Pour t’accompagner où tu es

Zenon (‘Zenek’), 58 jaar
Je dagen waren verplet
Door het beton van de brug
Die je tentje bezwaarde, daar bij Neerpede.
Zenek, betreed nu glooiing en veldweg,
Betreed de vrede van een hemels Neerpede.

Jean-Claude (‘Viking’), 55 ans
La lune brille, surprise sur le chemin de l’archer,
quand tu tends l’arc que personne n’a jamais tendu
et qu’avec tes yeux clairs de viking errant
tu tires des flèches de lumière éclatante.

Stefan, 67 ans
Santé fragile, solide esprit de combattant,
au centre-ville tu étais dans ton élément,
mec tenace, le visage qui sourit à la vie,
tu voulais t’en sortir pour ta famille.

Issam, 37 jaar
Molenbeek zag hem dikwijls fietsend door
Het leven. Hij was leergierig en wilde alles beter
Leren kennen. Hij was zoals iedereen op zoek
Naar geluk, de dood heeft hem dat niet gegund.

Pilero, 57 ans
Là où personne ne pénètre
quelqu’un t’attend.
Son visage est beau,
offert à l’obscurité.
Tu le touches de la main.

Claude, 30 jaar
Onder, onderaan ; onder het gezwollen, bolle, buikig licht.
Onder de doolhof, onder het groen en geelachtig grind.
Onder, onderaan ; waar de dieren gedempt en jij
Onzichtbaar in het varend volk bent opgegaan.

Quentin, 23 ans
Une balafre le long de ta joue gauche
marquait le passage implacable de la vie sur ta peau.
Cette vie que tu aurais souhaité recommencer.
Cette vie que tu voulais tant croquer à pleines dents.

Mohamed, 42 ans
Prévenir
Ce qu’ils disent, après
Et la famille, parfois, pleure aussi
C’est ici / que tu fus, n’es plus.

Paul, 63 jaar
Jij oude, fragiele brompot
Stap op tafel met lichte tred
Langs de brandende kaars
Recht het portret van je vader binnen. Dag pa,
Eindelijk. Kom, ik trakteer op koffie.

Faïda, 50 ans
Avec ton âme d’artiste, de poète beatnik et de sirène,
tu ne comprenais pas le monde sans partager la beauté,
sans la touche discrète du carmin sur tes lèvres,
sans ton verbe fleuri et ton sourire infini.

Isabelle, 47 ans
Accident mortel, mauvais coup du destin
Tombée sous un train, trop vite parti
Même les regrets n’ont pas de mots, que des maux
On se souviendra de toi au tic-tac de ton absence.

Mohamed Saïd, 54 jaar
Hij noemde iedereen Madame en Monsieur.
Hij hield van moppen tappen, als het kon van lekker eten,
Van dammen, schaken en charade spelen,
Verhalen vertellen tot de dood ze afmaakte.

Nadia, 36 ans
Je composerai pour toi
un menu de mets minuscules
comme les étoiles filantes
dans le ciel du mois d’août.

André, 60 jaar
Links in cadans de vrouwen, rechts de mannen, de menigte.
En als laatste, op het gangpad, als een koning
in het koene van zijn koortsachtig goud : de dood.
Maar jij ziet geen verschil – je wijst hem zijn plek
en bij leven nog maan je hem tot zwijgen aan.

Ladislau, 62 ans
Arrivé à Bruxelles pour te battre contre la vie
à un âge où il faut commencer à faire la paix avec elle.
Perdu dans une longue litanie de démarches administratives – échouées ;
tu faisais comme si tu jouais de la flûte avec tes mains.

Paulette, 64 ans
L’anonymat
D’une tombe, d’un pas
L’anonymat de soi
L’as-tu cherché ?

Françoise, 61 jaar
Heen en weer, van Brussel
Naar Verviers, van Verviers naar
De Hoogstraat, steeds heen en weer.
Rust, oud meisje rust. Het hoeft zo niet meer.

Tomasz, 42 ans
Sur les cartons dans lesquels tu avais étendu tes rêves,
tu as retardé le dessin de futures cartographies.
En naviguant comme un marin qui relève ses filets
dans un festival sans fin d’écailles et d’écume.

Fatoumata, 43 ans
Calme, douce, chaleureuse, si rêveuse,
ta Guinée peut être fière de toi.
Ceux qui t’ont connue, monde de la rue ou pas,
tous n’avaient que de jolis dires pour te décrire.

Bruno, 36 jaar
Hij was een goede ziel, een vriend die je hebben wilt,
genereus en vol vertrouwen ; gewond
vanbinnen en vanbuiten rust hij
naast zijn moeder in Haine-Saint-Paul

Thami, 44 ans
Forteresse d’épuisement
d’addiction
de croyance
en désespoir de cause
corps debout
éphémère
le temps d’une vie.

Larami, 56 jaar
In mij ligt het vaderland verankerd.
In dikte, deinend. In weerstand loom.
In onderricht ook, in oorlog, in wreed, concreet
verlangen. Sterven is onterven.

Jacques, 76 ans
La longueur de ta vie, avec ses 76 printemps,
ne pourra être mise sur la balance
pour faire contrepoids au moindre jour
que tu auras vécu dans la rue.

Wojciech, 48 ans
C’est parce qu’il n’y avait presque rien
Que j’ai pensé très fort
Qu’au milieu du vide
Quelques mots de loin te rapprocheraient de nous.

Liliane (‘Lily’), 61 jaar
Wel ben je thuis gestorven
Niet op straat in de kou.
Het was een magere thuis.
Wij wensen je een weelderig huis
Voor eeuwig.

Guy, 67 ans
Alors que tu défendais avec ardeur ton territoire
— territoire de désirs, de rêves et d’amours —
tu avais le jour et la nuit, l’aube et le crépuscule,
ta place dans le monde et la force de tes bras.

Louis, 54 ans
La rue a eu raison de ton vivant, tu resteras
toujours ce Louis avec cette âme d’enfant.
De là-haut, je suis sûr que tu veilles sur nous,
tu manques à la vie, mais ta maison est constellation.

José, 57 jaar
In zijn leven zag hij alle kleuren
van de regenboog, en die waren dan nog
meestal grauw getint. De straat hem goed bekend
was zijn bestaan en werd zijn einde.

Amalou, 20 ans
Passager clandestin
ton corps fut broyé vif
le voici porté en terre
par tes frères
une femme t’accompagne
d’un chant profond
ne cesse de chanter

Eric, 55 jaar
In de rozenmaand : eerst als knop.
Als keur van geur en praal.
Jij : in kringen, in vol ornaat omzoomd.
Ook in de rozenmaand : het rot.
Een plukkende God.

Andrée Ghislaine, 74 ans
Nous connaissons seulement ta date de naissance
et celle du jour où tu es parti –
aucun poème n’arrivera à percer le mystère
qui s’étend entre ces deux rives.

Abdellah, âge inconnu
Une fiche.
Comment sortir de là ?
Une fiche.
Tout ce que tu n’étais pas.

Nicole, 63 jaar
Jij leefde hier, leef jij nu elders ?
Berooid mocht je zijn en toch bleef jij
Nicole Jeanne Paule Roberte.
Welke prinses is zo rijk aan fraaie namen ?

Jambul, 55 ans
Chaque jour qui s’écoulait, sans le savoir,
tu t’éloignais de l’endroit rêvé.
Chaque jour qui s’écoulait, sans y penser,
tu t’approchais de la fin heureuse.

Elisabeth, 80 ans
Tu n’as pas eu l’enfance facile, rien ne fut facile,
ton parcours a été jonché de malchance.
Pourtant, tu étais quelqu’un de libre et pas esclave du gain
Tu avais le cœur sur la main, le partage et la fraternité traçaient tes lignes de vie.

Jacek, 53 jaar
In de krant stond te lezen : ‘Een hart
Breekt makkelijker alleen.’ Niemand
Hoorde je roepen. Het ging scheef vanbinnen, je kon er niets aan verhelpen.

Eric, 57 ans
Ne peut s’effacer
le mouvement passionné
d’un geste
qui s’interrompt ici.

Georgeta, 58 jaar
Niet langer bovengronds, maar in donkere hallen.
In het knerpende licht, in het snijdend chroom
Van de tijd, mensen van messcherp, slepend staal
Onder rondbogen en baleinen – ofschoon je troon.

Eddy, 61 ans
Tu aimais les romans en tout genre, sauf, tu insistais,
ceux à l’eau de rose – et sans doute ta vie n’en a pas été un.
Combien de temps chantera-t-il encore ton absence,
ce canari dont tu t’occupais avec le plus grand soin ?

Anne, âge inconnu
Une femme encore
Une mère aussi
Toute la force de ce qui nous tient
Par-delà les précipices

Pascal (‘Paco’), 51 jaar
Welk vogeltje, welk kruidje
Tekende je toen in ’t Moeraske
De dood toesloeg ? Of hoorde je treinen
Die reizen naar een land achter de wolken ?

Jimmy, 32 ans
Que deviendras-tu en cette triste nuit
dans le cri aigu des années perdues ?
Qui sera là à l’aube pour t’écouter,
pris dans le regard lacéré de tes yeux lavés ?

Muriel, 54 ans
Toujours déroutante, amusante, tu aimais charrier
Une extraterrestre de la liberté, tu adorais discuter
Tu avais un avis sur tout et tu aidais les gens qui te prenaient dans ton tout
Depuis que tu es partie, tes proches regrettent tes rendez-vous.

Semere, 31 jaar
Ver van zijn vaderland Eritrea werd hij het slachtoffer
van moordend verkeer. De dood heeft hem ingehaald,
is niet van hem weggevlucht. Hij werd onherroepelijk,
onmetelijk ver van hier weggestuurd.

Abdelkarim, 46 ans
Tu me parlais encore
d’une parole, interrompue.
J’écoute le fracas du silence.
Hier,
tu me parlais encore

Petru, 59 jaar
Je karakter : een nederzetting. Een kroon
Op vele hoofden. Je bloed : een balts
Van volken. Je taal : een totem
Van ontzaglijke trouw. De dood : een streekgenoot.

Emeranullah, 25 ans
Inatteignables de l’autre côté de la mer, les falaises blanches d’Albion
font office de frontière, une de plus, perçant les entrailles de notre continent.
Que reste-t-il de ces rêves de jeune homme, sinon une poignée d’étoiles brisées,
éparpillées sur l’asphalte de l’E40 – dont le passage intense du trafic effacera toute trace.

Eric, 59 ans
Ce qu’il faut savoir
Les destins interchangeables
Le chemin si particulier
Qui fut le tien

Traian, leeftijd onbekend
We weten niet eens hoe oud je was
Toen je moordenaar je leven roofde.
Ach, je in elkaar geflanste hutje
Daar op de Keizerslaan, niets keizerlijks had het.

Jean-Pierre, 41 ans
Quand je serai grand, je veux être un homme tranquille,
as-tu répondu enfant à une question banale.
Toussant sans repos, encerclé par la foule et le trafic,
tu as refusé ce plan tout tracé.

Klavdia, 92 ans
Femme de caractère, franche et solidaire,
tu aimais la tranquillité de la vie loin des bruits.
Toute la Russie se vit dans tes accents et tes gestes.
La maladie t’a emporté trop vite mais dans nos cœurs, tu restes.

Thierry, leeftijd onbekend
De dood kent geen grenzen, hij loopt nooit weg,
Hij maait steeds verder de hoofden die boven het
veld uit komen, armoede geeft nooit een welwillende
hand, je moeder was een pak schrijnend verdriet

Louise, 52 ans
Il neigeait
sur le monument de la mélancolie.
Quelqu’un m’étreignait.
J’attendais
le frôlement de la main
qui signerait le vivant.

Elżbieta, 41 jaar
De duiven. De duiven. Je ziel met duizenden gelost.
Over akkers en velden, over tijd, tuin en woning —
In vogelvlucht ontbonden.
En jij na jaren eindelijk naar huis gezonden.

Patrick, 50 ans
Depuis un temps, ton compte à rebours s’était mis en route –
aux heures de pointe de la Gare Centrale, tu sentis le vertige de centaines de milliers
de vies chronométrées, donc le compte à rebours avait aussi commencé
sans que peut-être elles ne le sachent.

Wiesława (‘Vita’), 60 ans
Des femmes aussi, ils disent.
L’une d’entre elles : toi.
Peut-être celle qu’un soir, dans le métro
J’ai serrée dans mes bras

Jan, 58 jaar
Er waren drie dochters in Polen,
Zo ver, zo ver ten oosten van
De straat waar je hokte.
Zijn dagen zijn geteld, zei de dokter.
Hard is de vloer van het huis
Dat heet : straat.

Alain, 59 ans
Tu rêvais de parcourir le monde en dessinant des cartes et des itinéraires.
Tu dormais mal pour rejoindre l’endroit d’où personne ne revient.
Au réveil tu trouvais du réconfort dans l’oubli. Puisses-tu trouver
Sans entraves la lumière que tu cherchais !

Emile, 54 ans
Roumain d’origine, tu t’es retrouvé trop vite livré à toi-même
tu es reparti vers ta patrie, la rue et sa dureté ont eu raison de ta santé
tu es reparti, retrouver les anges et les copains
la paix t’effleure de ses mains, on se souviendra de toi comme quelqu’un de bien.

Genadiy, 50 jaar
Putje winter, vrienden en een ruiker bloemen vergezelden
je naar je laatste rustplaats. De ziekte beloerde je, huisde
in je, pijn knaagde aan je ; en dan kwam de dood op kousenvoeten naar je toe en zond je ver heel ver weg van hier.

Jozef (‘Jos’), 65 ans
Pourquoi frérot
tant de chagrin ?
Tu tombas du lit de fer
comme un éboulement
dans le rêve.
Pierre, 75 jaar
Je legde als een woord de dood bijeen
Op het bord en bordes.
Maar de dood is een punt aan het einde van een zin.
Hoewel : geen achterin zonder een begin.

Mbala, 59 ans
Réveillon du Nouvel An – amoureux et familles avec enfants affluent
au pied de l’Atomium pour le tant attendu spectacle pyrotechnique.
Venu du Congo, loin de tes deux enfants, nul ne savait encore
que tu deviendrais le soixante-septième et dernier de cette implacable litanie.
Quand viendra-t-il le jour où il ne faudrait plus écrire ni un seul de ces vers ?
Komt ooit de dag dat we niet een van deze verzen meer hoeven te schrijven ?

Litanie pour 62 morts de la rue à Bruxelles en 2017. Lu en 2018.
Avec les contributions de : Adolfo Barberá, Frank de Crits, Maarten Goethals, Geert van Istendael, Manza, Serge Meurant, Ramón Neto, Xavier Queipo.

Walter, 47 ans
C’était la première nuit de l’année.
La mort t’emporta par surprise
dans la communauté où tu vivais.
Tu n’avais pas rompu le lien avec ta famille,
elle connaissait ton mal de vivre.

Hubert Dariusz, 43 ans
A l’annonce de ta mort, ta maman
nous dit qu’elle était trop pauvre
pour rapatrier ta dépouille.
Elle légua ta montre à ton meilleur ami.

Waldek, 46 ans
Inconnu des registres, enterré
à la hâte sous un nom qui n’était
pas le tien, repose en paix
toi qui mourus un dimanche midi
jour de marché.

Dariusz, 45 ans
Ses compagnons d’infortune
témoignent de leur douleur
à la perte de leur ami.
Ils ont organisé son rapatriement en Pologne.

Dagmar, 69 ans
Originaire de Prague, elle formait avec Luc
un couple inséparable.
Elle était aimée pour sa beauté, sa douceur,
son souvenir demeure en nous.

Alberte, 72 jaar
Als een lief oud grompotje liep ze rond
aan de Beurs en de Munt, in goed gezelschap.
Haar honger naar vrijheid was niet te stillen,
Haar laatste vriendin een blonde gauloise.

Anton, 43 jaar
Uit het verre Roemenië kwam hij naar hier
om naar de metro’s te kijken. In de warmte van
station Troon sliep hij, onwettig, voor altijd in,
omarmde hij zijn drie tattoos.

Tony, 57 jaar
Speciale man met een uitzonderlijk verleden,
dat hij soms aan zijn hond Jack vertelde. Hij zat nooit
om een grap verlegen en voelde zich goed tussen de
gasten van La Madeleine, die allemaal afscheid namen.

Cezary (Czarek), 42 jaar
Het Vossenplein en het Zuidstation waren zijn lippen
geijkte plaatsen. In zijn dromen reed hij door de stad
als een Tataar op zijn prachtig paard.
Op een zo’n tocht verloor zijn hoofd het noorden.

Marc, 49 years old
Helen’s thread is a cold breeze
Drifting over the old quay
Break now Ariadne’s chain
And set free !

René, 64 ans
Hébergé au Poverello depuis 2009,
il avait eu de bons contacts
avec l’Abbé Van der Biest. Il était connu
pour son humour provocateur.

Patrick, 45 ans
Il aimait les parcs bruxellois
et la mer dont il rêvait.
« Les mots que l’on n’a pas prononcés, »
dit un ami, « sont les fleurs du silence ».

Alain, 47 ans
Habiter la maison inhabitable
tel était ton rêve et ton combat
après le deuil de ta compagne
pour l’amour de ton fils adolescent.

Alfred, 71 ans
Ton ami Mohamed souhaita
pour partager son deuil
qu’on lise à ton enterrement
un poème sur la solitude
qui fut la tienne de ton vivant.

Mohamed, 27 ans
L’Afrique et l’Union Africaine étaient tes centres d’intérêt.
Jovial et habillé comme un rappeur, tu rendais les autres joyeux aussi.
Que l’épaisseur humide et fertile de la terre
t’enrobe dans une forme d’apaisement.

Marc, 42 jaar
Broos, frêle, tenger liep hij van hier naar daar,
een glimlach op de lippen. Hij trachtte naar het licht in zich.
Soms was dat licht zijn geloof. De roes haalde hem
vaak onherroepelijk in, en dat werd zijn einde.

Patrick, 61 jaar
Eens een kind van Enghien, altijd een kind
van Enghien. Boeken waren zijn trouwste vrienden
en sciencefiction hielp hem aan de werkelijkheid
te ontsnappen. De Kunstberg werd zijn laatste halte.

Charles, 70 jaar
Je keerde terug uit India met een heldere blik, een paardenstaart
en de ontegensprekelijke kunst van het zwijgen.
Op de begraafplaats niemand, zelfs geen ademloze ziel,
misschien was dat zwijgen uit de verte wel de dood ?

Janusz, 52 jaar
In het Centraal Station liepen de gehaaste reizigers
achteloos voorbij. Zijn verbaasde blik
van een waar kind merkte dat niet op.
Het station werd zijn laatste rustplaats.

Walid, 37 years old
The qibla of Newfoundland
Looks towards silence
Deep into the Mouth East
You dance & you trance

Ewa, 37 ans
Femme forte de caractère transitant
de la rue Haute à la Bourse, du Mont des Arts à la rue des Cendres
– à une vie de distance de Wodzisław Śląski et de ta Silésie natale.
Ta présence soutenante, toujours bienveillante,
reste.

Régine (Cathy), 59 ans
Bigoudi, Plume-plume, Moustique et Camélia,
ton chien et tes trois chats – leurs noms sont tout un poème
d’amour. Dame rigolote au caractère bien trempé.
On devait être vrai avec toi. Impossible de faire semblant.

Dariusz, 34 ans
Station électrique des chemins de fer de la SNCB,
quelque part dans le nœud ferroviaire de Schaerbeek.
D’ici nulle voie ne mène aux confins orientaux de la Pologne.
Nous ne connaîtrons jamais quels silences l’éclair a emporté avec lui.

Michel, 53 ans
Course folle d’une voiture avec la mort assise sur le siège passager.
Le chandelier du jour s’éteignit soudainement.
Et tandis que ton cœur battait encore
tes nerfs étaient déjà branchés à toutes les racines de la terre.

Francisca (Françoise), 56 ans
On nous dit que tu parlais le français sans accent.
Tu parlais donc avec un parfait accent bruxellois.
Tu avais perdu tous tes droits mais personne n’a pu t’enlever la joie de vivre
ni la lumière de la Costa Blanca scintillant dans les coins de tes yeux.

Mohammed, 50 jaar
De straten onthielden niets van zijn gezwerf.
In Poverello hielp hij zijn lotgenoten,
met een glimlach, met kleine werkjes.
Het noodlot van de ziekte verkortte zijn harde leven.

Ali « la Fleur », 42 jaar
En je zong en je zong, welbespraakt in de opmaat
Van je stok, je tong, de zon. Jij – bloem, bloem.
Maar de dood (dat gestouwde, gestand gezoem)
Stokte in het gelaat van je blauw gestreepte dageraad.

Jean-Yves, 60 jaar
In het geniep, tot diep in de dag dacht je nog : ik koop brood
En wijn en draag kleren als van een koning in het rood.
Tot in je longen als een kilte de dood als een wind
Opstak, je lijf betrad als kist en woning, nu nachtblind
Terreurbewind.

Benaïssa (Ben), 58 jaar
Eertijds je karakter, een kat op een mat, eertijds uit hout de vouw.
Eertijds de verhalen die je las, een papieren harnas.
Eertijds daverend je stilte, geen taal zonder teken of vloek.
Eertijds wat je altijd al wist : de dood rond het leven, de kaft rond een boek.

Piotr, 59 years old
The world is too narrow to contain you
& The journey is not too long
For the Prince of this World — Oh you, come, come !
Take a basket & an oil lamp !

Omar, 16 ans
On a voulu nous faire croire que c’était un flot humain
qui nous envahirait et dont il fallait qu’on nous protège.
Mais ose-t-on regarder la mort en face
quand derrière les rideaux des politiques de deshumanisation
on découvre le corps sans vie d’un adolescent ?

Jarosław (Jarek), 46 ans
Infection très lourde au bras et ton corps déjà saturé de nuit.
La même nuit qui répète comme un mantra les prénoms de tes trois enfants
laissés en Pologne.
Tes affaires ayant été volées à l’hôpital
seule une enveloppe grise témoigne de ton passage dans ce plat pays.

Mark, 51 ans
Ziggy et Pasha étaient tes deux compagnons à quatre pattes,
leurs deux noms à prononcer avec ton bon vieil accent « british ».
Ta joie et ta bonne humeur résonnent encore dans le brouhaha
du marché aux puces de la Place du Jeu de Balle.

Mariusz, 43 ans
Il retrouvera sa belle Pologne d’origine
il la verra enfin d’en haut, belle et unie, comme il l’imagine
il préfère la vue du ciel à la froideur des ruelles
dont sa peau se rappelle

Laurent, 50 ans
De nature solitaire, il était un homme de caractère
sympathique avec les gens sincères.
Lire, c’était sa passion première, à 50 ans, il s’en est allé de Place Anneessens
vers ces beaux nuages qui libèrent du froid des hivers.

Franz, 73 jaar
‘Liefste, ik kom krom verstom, klauter klim daal en sluip
als een slang rond je arm rond het gelikt metaal
van muiltjes – jij en ik opnieuw, onder ons egaal
in een gestreept gestrekt, stijf gehouwen stuip.’

Ruslan, 38 jaar
Jij beer van een heer, jij winterdier, jij Rus
In je knus hok met je onhandige wrok –maar in je slaap
(een warm en wijd ligbad) komt het sterven als stoom
Loom van je los. Je waait als sneeuw naar je vaderland.

Dumitru, 59 jaar
Zo ging je dan : gekleed in het karaat op straat
dat eens glas was, en waarheid – en zo ging het luisteren : de wind
vol krassen op de weg – en zo het sterven : fonkelend
langs het koor van kiezels, tussen het wachten en de wagens door.

Dorothée, 40 jaar
Nu ik lig – zie ik mijn naam als een bloem verbleken
En word ik hard van zaden die steek na steek als maliën aanbreken
Een kop onder een helm vol zweren en zwarte dromen, maar geen God
Met armen zo breed om de zon als verf over mij en mijn erf te smeren.

Serge, 53 years old
The poet threw a compendium into the sarcophagus
And you smiled like the Wrong Man
Proving & dancing your innocence
Amid Anspach’s cymbals and harps

Leszek, 55 ans
Souvent seul et pensif, toujours en balade avec tes valises
tu étais sociable et serviable, jamais dans la méprise,
des Marolles à la Porte de Hal, on se souviendra de toi
comme d’un homme volontaire qui a toujours gardé la foi

Jean-Claude, 68 ans
Putain de cancer, J.-C. tu es parti là où tu te joueras de tous les cancers
tout le monde parlait de toi comme un homme gentil et sincère
tu ne te plaignais jamais, même dans la douleur, tu souriais
la rue n’a jamais réussi à t’enlever cette personne classe que tu étais.

Naser, 53 ans
C’était un bon vivant, rempli d’humour, respectueux avec les gens.
Il aimait lire les bandes dessinés et en parler à ne plus s’arrêter.
Il adorait les brocantes, les bonnes ambiances.
Ceux qui t’ont connu ne t’oublieront pas…

Laurent, 45 ans
Tu trainais avec toi des problèmes de santé, tu n’en disais mot.
À 45 ans, tu as fini par succomber et partir trop tôt
mais on choisit pas son heure, discret, tu es parti rejoindre les étoiles
sans rien dire, mettre les voiles tel un dernier soupir

William, 53 ans
Tu es parti suite à une hémorragie
mais tu resteras gravé dans pas mal de mémoires et de cœurs.
De Gare centrale à la Rue neuve, tu étais connu pour ta bonne humeur,
parfois têtu mais jamais méchant, tu étais sensible avec une âme d’enfant.

Edlir, 37 jaar
Je liep al te kwiek in je werk verloren – ten slotte in het leven
Dat echter niet meegaf, dat onaf en kortaf
Onbedacht vannacht ophield. De aarde
Verklaarde zich duister, niet in staat te vergeven.

René, 73 jaar
Opeens trof het mij (toen ik mijn handen als fruit liet hangen
of paarsachtig hoog hief, naar het mauve en de rag
als glaslood naar de hemel, en zo mijn rimpels zag)
dat strak om de dood het leven als huid zit aangespannen.

Vasile, 52 years old
When the light appears below the tree
And somebody sees you crying alone
You will deny all rumors and say :
My eyes are only dry at night

Roger, 67 years old
Cold and fear and perhaps sorrow you feel
Resigned but brave beneath the sky.
In the perennial return of the seasons,
to your beloved Kira, waving goodbye.

Philibert, 78 years old
From Madou to Saint Josse
Quiet steps over the snow
Binding extreme with string
Drawing down life from above

Anne-Marie, 57 ans
C’était une femme forte, débrouillarde et soignée,
battante, elle ne se laissait jamais aller.
Elle avait une solution pour tout, même quand la poisse était au rendez-vous,
la maladie a eu raison d’elle mais sûrement pas de sa force de vie éternelle.

André, 74 ans
74 ans, éprouvé par la vie, tu as fini par quitter le monde des vivants.
La rue t’a mené aux urgences de l’Hôpital Saint-Jean,
souvent seul mais tu avais des amis avec qui tu passais beaucoup de temps.
Ils ne t’oublieront pas, tu souffles en eux comme le vent.

Michel, 58 years old
At the splendor of an ended day
death has built a throne.
How difficult it is to be alive
in a grey city, standing alone.

Patricia, 60 years old
Wonderful to depart one day,
to return again with the beloved friend.
Wonderful to find him awake,
whispering at your ear, to the end.

Mirosław, 43 years old
Curling yourself in a labyrinth of dreams,
uttering gladness and spreading verses,
singing and dancing and drinking,
vanishing when the city found its shadows.

Hassan, 57 years old
At the very moment of crossing the final border,
uttering sutras of Al-Koran, trembling and troubled,
whispering a succession of words only half heard,
remembering the red sands of the true paradise.

Ahmed, 39 years old
Always quiet, and smiling and charming,
always claiming to be a Prince of Islam.
You will come back home, you know,
to your beloved land of Pakistan.

Hassen, 51 years old
You learned from your cat Simba
the noble art of wandering around
of talking calmly and observing the world,
whispering verses and understanding life.

Daniel (Banane), 58 years old
The demons of midnight are calling you, Danny Banane,
loudly laughing about your own invented words
and suddenly the heart stops beating and flushes,
when winter announces its amber sorrows.

Litanie pour 72 morts de la rue à Bruxelles en 2016, lu en 2017.
Avec les contributions Taha Adnan, Frank de Crits, Maarten Goethals, Geert van Istendael, Manza, Serge Meurant, Ramón Neto, Anne Penders, Xavier Queipo.

Anatoli, alias Tolek, 32 ans
Tu étais trop jeune
Tu venais de loin
La guerre, tu l’avais faite ailleurs
Le combat pourtant, c’était ici
Je n’ai pas tout compris
De ce qu’on m’a dit
Mais tu riais beaucoup
On me l’a écrit
Le jour de l’an, un sale jour pour beaucoup
C’est lui qui t’a pris / au dépourvu ––––––– ce que tu étais, depuis que…
Voulais-tu rentrer ?
Tu étais trop jeune
Ta famille là-bas, / désormais sait où te pleurer.

Ronny, 59 ans
Je ne t’ai pas connu.
J’aurais pu.
L’Ardèche, ses montagnes, ses senteurs, est-ce cela qui t’avait attiré ?
Ou bien l’envie d’accueillir, au jour le jour, des voyageurs ?
Quelle idée d’être revenu !
C’est vrai qu’ici, tu avais des amis.
Arpenter les villes aussi, c’était ton métier
Puis la ville ne t’a plus lâché / que t’était-il arrivé ?
« Flamboyant », c’est comme ça qu’on parle de toi.
Quel tempérament !

[j’avais un ami, aussi, qu’on nommait comme ça / il vit dans ces montagnes où tu n’es plus]
Je ne t’ai pas connu.
Tes amis mangent ensemble, te sentent parmi eux / peut-être n’es-tu pas tout à fait parti… l’aurais-tu cru ?
(j’espère que tu n’es pas fâché que je te dises « tu »)

Jean-Pierre, 56 jaar
Met zijn grote baard, met bril en muts keek
hij hoe de jachtige mensen de metro in liepen.
Hij was rustig, zachtaardig, maakte graag een praatje.
Oostende zien en dan sterven is hem nooit gelukt.

Abdelrazzak, 47 ans
Ce cœur gelé
Ne tremble plus
Ses moteurs exténués
Ont cessé de tourner.

Arlette, alias Elisabeth, 72 ans
Le piment, on le coupe en petits morceaux, ou on y croque à pleines dents
ce que la terre africaine vous avait laissé.
Vous aimiez ça, le piment.
(Et les bons restaurants).
Vous partagiez, vous étiez là.
Pour les autres, avec eux.
Accompagner les naissances, sans avoir pu enfanter
ce que la vie ne vous a pas donné.

Des épisodes romantiques, vous pouviez en raconter
L’Italie, la bourgeoisie, un sens du beau, une exigence
libre, vous vouliez être. Femme.
Vous veniez pour les repas, pour la compagnie surtout.
Généreuse, cultivée, ouverte.
Que s’est-il passé ?
(tous les secrets que vous avez emportés)
Libre, de vivre fière, malgré les revers.
Vous n’aviez pas imaginé vieillir « comme ça ».
Vous ne vouliez pas que la famille sache.
(mais où était-elle ?)
Quand je pense à vous, je ne sens que douceur.
Comme j’aurais aimé vous rencontrer !

Gheorghe, 35 jaar
Sterven, en dan stoppen. En achterblijven.
En wachten tot de wereld verdwijnt, steeds verder weg.
Wat rest ruist.
Sterven, en dan opgaan, kopje ondergaan.
Egaal overstag door de vloed.
Terug voorgoed.

Laurent, alias Lorenzo, 46 ans
Le Neerpedebeek après son passage sous l’E19
t’a pris en charge.
Mais, au fait, comment es-tu arrivé jusque-là ?
— Mort suspecte, paraît-il.
Et que peut nous dire de la vie / de ta vie une petite rivière meurtrie ?
— Rien
en comparaison avec la mer agitée d’une canette Gordon.
Tout coule, tout retourne aux eaux
profondes
de Marina.

Herbert, 60 jaar
Je hoofd : je hemel —
Goddeloos en van abstractie vervuld
(Het éne achter het andere verhuld) —
Tot de aarde, log en lasterlijk
Nooit op tijd, zonder spijt
Gedempt als een graf oplicht —
De lucht valt aan stukken.
Je gedachten ? Vol scherven en gewicht.

Stanisław, 59 ans
À 22 ans déjà il était en Belgique, il rôdait dans
la Gare du Midi, il ne prenait jamais un train,
n’allait jamais nulle part. Il vivait dans un squat
avec ses copains et il est mort à l’hôpital Saint Pierre.

Patrick, 61 ans
On te surnommait le Schtroumpf grognon
et c’est bien que tu avais du caractère
car il faut parfois râler
et ne pas se laisser faire
dans ce monde
où l’on spécule même avec notre mort.
La mort qui
incapable de t’emmener d’un seul coup
eut besoin de te mettre dans le coma
pour avoir le temps
de se préparer à ton tempérament.

André, 71 ans
Habitué du café Cobra Jaune,
étais-tu devenu immunisé
contre les venins de ce monde ?
Ton caractère aimable et discret
montrait une certaine sagesse.

À un moment donné, ça allait moins bien
et la mort le sut
— et sûrement tu savais qu’elle le savait.
C’est dans les Marolles que vous vous êtes rencontrés
une fois pour toutes.

Leszek, alias Cowboy, 51 jaar
Kom cowboy, jaag je paard
Naar Polen. Drijf je lijf
Als een kudde van liefde en last.
En men het lijden tot zacht gelooid leder.
Kom op cowboy, in galop, met je hoed op.

Miguel, 44 ans
Originaire du Tournaisis,
il paraît que tu connaissais Bruxelles comme ta poche…
et dans tes poches,
ton mélange bien à toi de clair-obscur
de l’art et de l’histoire que tu revisitais
avec tes lumières
et tes ombres.
Passionné d’œnologie,
tu disais aimer les vins pleins de soleil
— que la lumière de ce soleil-là t’accompagne.

Marek, 41 ans
Il errait à la gare du Midi, la Porte de Hal et
dans les Marolles. Son rêve était d’épargner de l’argent
pour aller travailler en Hollande. Il est décédé
dans la rue et ses copains l’ont accompagné
vers sa dernière demeure.

Eddy, 68 jaar
Je zei zelf : naar de hel. Hupsakee. Weg ermee.
(Wij dachten : naar de velden van vuur)
(Naar de kankerknobbels, gelijk distels groot, dachten wij)
(Naar het gif van kerosine en straalturbine, dachten wij)
Maar je bedoelde : schol, santé, en nam een slok
Of twee. De Duvel in je hand, de kin hoog omhoog.

Stanisław, alias Staszek, 60 ans
Tu étais souvent solitaire, avec un air absent.
On te savait fort vulnérable depuis plusieurs mois.
Explorant les espaces habitables
entre la Gare du Midi et la Gare du Congrès.
Tu finis tes jours à la rue du Meyboom
— et la mort vint planter un arbre entre les pavés
pour toi.
Rapatrié dans ton pays,
tu pourras enfin être semence.

Sergejus, alias Serge, 48 years old
Nobody ever understood your cardinal points
Your scale of values, your ever-changing humour
Dressing like a gipsy, marching as a king
Mingling apocalyptic tales and erratic walks
With everyday humble dreams and sorrows
Nobody ever understood your cardinal points.

Zoran, 51 years old
A maelstrom of dreams invading your mind
A maelstrom making all hopes vanish
A maelstrom sucking until the last drop of life
The next morning, in the middle of a dusty path
Your body was lying quiet,
rigid,
dead.

Vincent, 51 ans
Ceux qui s’en vont
sans un mot
ne laissant rien
que la dépouille
d’un désir délié
de toute attache
construisent
une tour de silence
une ville dévastée
sur l’établi de décembre

Rosario, 56 ans
On verrait ça dans un film, qu’on n’y croirait pas.
« La faute à pas d’bol », vous auriez sûrement dit
dans un sourire.
On dort à l’aéroport, parce qu’on habitait tout près et qu’on n’a plus de toit
On prend un petit café tranquille, un temps à soi
au mauvais moment, au mauvais endroit.
Et ça fait quelques lignes dans le journal.
L’absurdité banale, l’universel tragique.
Comme perdre son boulot, sa confiance en soi, son appartement.
Ce jour-là, à Athènes, je m’apprêtais à prendre l’avion…
Ce jour-là une amie a eu 28 ans. Heureusement, elle a pris le métro plus tôt que…
Ce jour-là, à Zaventem, vous étiez assis, avec d’autres / à côté d’une bombe.
Il faut appeler les choses par leur nom.
Je connais le vôtre. J’ai vu votre sourire.
Vous êtes une victime parmi d’autres.
D’un système qui s’auto dévore.
Vous êtes unique.
Comme nos volontés réunies.

Bazyli, alias Bazyl, alias Wacek, 54 years old
Imagine the pain : suffering brutal aggression and violence
Imagine the noise : boots cracking the bones of a dying old man
Imagine the blood, the anguished glance, the desperate last breath
Imagine the very last image, purple and crimson in different tones
Imagine the flowers on the grave, withering, neglected colours

Jean-Marc, 52 ans
Il jouait avec les mots comme un poète,
avec de l’ironie et le respect d’autrui.
Il employait son nom pour répéter : « Je viens
récupérer ma paie. » Il est mort à Blankenberge,
le Bruxelles de la Mer du Nord.

Roland, 52 ans
Cette saisissante
solidité
de toute vie
— si elle ne se rompt —
ouvre le regard,
en retarde
la fuite dedans
où foisonnent
les figures mortes,
corrompues.
Il faut appeler
sans crainte
la vulnérabilité des vivants.

Alain, 52 years old
The very day you were born, all shadows were born too.
The very day you died, all flowers died too.
The many other days between these epiphanies
Like a man speaking in unspeakable tongues
Nobody was able to give you consolation and peace

Dariusz, 34 jaar
Ergens, nergens tussen lente en zomer
Tussen Polen en april, in een jarenlang verschil – dáár
Waar je langer leefde
Dan thuis als kind in de kruinen – dáár
Blijf je nu, voorgoed, vervroegd
In dat laatste, lijpe bed, bij de bruid Brussel – jij
droeve, nooit ontsproten bloem, bloem.

Tomasz, 32 years old
How to forget the electric light of your eyes
The stranger walking down the road at night
How to forget the great torment of leaving home
The last days that you see your beloved land
How to forget the pale skin and the crazy hair
Wandering the world in a permanent dream

Tanguy, 40 ans
Le ciel pour seul linceul,
29 avril 2016, à peine 40 ans
Tanguy est retrouvé : mort tout seul,
dans le froid d’un appartement situé au numéro 4 de la rue du Parlement
où les lois de la misère ont fini par avoir raison de son vivant…
Personne à son enterrement, aucun proche, aucune épaule
à part la présence de quelques bénévoles
Sur les feuilles de mon cœur, je l’imagine, je le frôle
Tanguy reste même si la vie s’envole…
Enterré au cimetière de Bruxelles,
repose en paix tels des battements d’ailes…

Etienne, 58 ans
17 mai 2016, 16 heures mourantes, la vie s’absente
Rien de bon à Libramont, rien qui nous enchante
Etienne s’en est allé sur un lit du centre hospitalier de l’Ardenne
Une mort soudaine qui a été annoncée par Diogenes
La vie de rue, on sait trop où ça mène
Quelque part entre boulevard Anspach et rue Terre Neuve
Faire la manche parmi les oubliés du centre-ville
Du Quick au Delhaize, ne jamais se sentir tranquille
Aujourd’hui, Etienne repose en paix au cimetière de Florenville
Les yeux de sa fille rivés sur sa tombe, il n’a plus peur
De là-haut, Etienne, sourit à la vie, l’âme en cœur…

Christophe, 43 ans
Ce n’est pas un adieu, Christophe,
je t’envoie ces quelques mots bleus,
là-haut, j’espère que tout va mieux
ici, encore et toujours, le froid des rues tue, c’est honteux,
la rue de la Loi continue de fermer les yeux
Le 30 mars 2016, t’es parti contempler, de plus près le ciel,
tes derniers moments existentiels, tu les as vécus à l’hôpital Edith Cavell,
t’aurais eu 45 ans en septembre 2017,
t’as jamais eu la vie facile, en fait, ni avec ta famille, ni avec tes amis,
t’as jamais su tenir en place tel un indien dans la ville,
de la Bascule, au SAMU, pour ceux qui t’ont connu
on se souviendra de toi, avec ton seul style,
tu as été un vrai Ucclois, plus vrai que toi, tu meurs…
de Bruxelles à Reignier, on t’a rapatrié, mais tu n’es pas mort,
en vérité, tu vis toujours dans le jardin de nos fraternelles pensées…

Mohamed, 50 ans
Et quand j’ai trouvé
Un toit pour la vie
Celle-ci a dégringolé
Comme un ballon perdu
Surpris
Par le coup de sifflet final.

Jean, 61 ans
Jean dit le Suisse,
Pour ses amis, un véritable complice
Tu es décédé, injustement, le 23 mai 2016,
Depuis même la mort ne se sent pas à l’aise
Tellement tu mettais des vies à l’aise :
Un troubadour qui se jouait de la misère
Pour les démunis, un cœur des plus solidaires,
Solide et sincère, au franc-parler qui tape
Même sur les politiques démagogiques
Un sage, une voix grave pour les sans voies
Tu es parti trop tôt, trop vite, des personnes comme toi,
On ne les oublie pas, la mémoire les invite.
Tu militais pour les démunis, tu t’oubliais pour eux,
Tu voulais le bien pour les autres, c’est ça qui te rendait heureux
Tu manqueras à ta femme, à tes enfants, à tes compères…
ton dernier souffle, a expiré à l’hôpital Saint-Pierre
Tu restes pour le collectif de la rue
Un exemple d’humanisme contre les cœurs de pierre !
A bientôt, tu laisses une place vide dans le paysage des hommes sincères.
Tu n’es pas devenu poussière, tu vis désormais parmi les lumières tel l’abbé Pierre.

Nahedh, 52 ans
La vie m’a forcé à errer
(Je n’ai pas le droit de retourner
À une patrie spoliée)
Et la mort m’a offert un abri
Elle m’a gratifié d’une tombe étrangère
Et d’une épitaphe : (Un autre keffieh
Érigé en drapeau de l’errance).

Baghdad, 50 ans
Vilain cancer
N’as-tu trouvé d’autres demeures
Que ce corps
Sans abri ?
Que je parte donc
Et claque la porte à la douleur.

Armindo, 47 anhos
Mas como fazer durar
até ao ultimo instante
esta boca, este sol ?
E preciso ama-la,
paciente e alta,
onde a chama canta.
Ama-la. Até ao fim.
Até ser dança.

Mais comment faire durer
jusqu’au dernier moment
cette bouche, ce soleil ?
Il faut l’aimer,
patiente et haute,
là où la flamme chante.
L’aimer. Jusqu’à la fin.
Jusqu’à la danse.
(Eugénio Andrade)

Muriel, alias Babilou, 47 ans
J’aime votre surnom.
Ce qu’on m’a dit de vous.
Avec un surnom pareil, vous étiez sûrement belle !
On avait le même âge.
Ce qui me frappe.
Et le goût du chocolat…
Si seulement on pouvait partager son étoile !
De Fond Roy je ne connais que le joli verger tout près
Le chant des oiseaux au printemps, les fruits trop mûrs tombés dans l’herbe
Et les récits de ceux qui s’en sont sortis
Des autres endroits / je ne parlerai pas.
Tout était difficile, ça s’est inscrit dans le corps – vous l’avez senti partir.
Vous étiez entourée, à ce moment-là.
Ce qu’on m’a dit de vous.
(Quelque chose finit bien. C’est déjà ça.)
Votre joli surnom
On s’en souviendra.

Philippe, 60 jaar
Hij was een stille man, een man van weinig woorden,
hij leefde niet graag alleen, eenzaamheid was geen vriend.
Hij had een hard leven en zocht dikwijls naar werk,
doch zijn hart liet hem in de steek in een Brusselse straat.

Guillaume, 74 ans
Guillaume est mort : seul dans sa demeure
Seul chez lui, à Bruxelles, au numéro 3 de rue de la Querelle
Aujourd’hui, il repose en paix loin des indifférences du monde réel
Il est né en 1942 pendant la guerre
Il est mort le 11 juillet 2016 sous les impacts de la misère !
Pris en charge par sa famille pour son enterrement
Mais il les aura mal connus de son vivant…
Guillaume est parti à 74 ans,
Je me dis qu’à cet âge-là, on rêve plus de jouer avec ses petits enfants
Plutôt que de jouer avec la mort à tous les tournants du tourment,
A cet âge-là, on rêve de vivre simplement les yeux aimants, mourir délicieusement…

Christian, 64 jaar
Christian, Christian,
we zagen je, we zien je niet.
Ben je op wandel
in een eeuwig Brussel,
op wandel zonder pijn of verdriet ?
En krijg je elke dag
je hemelse steak friet ?

Jean-Marie, 69 jaar
Meneer Jean-Marie toch,
waar, waar bent u gebleven ?
Misschien vaart u nu in uw eiken kist
tevreden naar uw eiken zaligheden.
Vaarwel, meneer Jean-Marie, vaarwel,
maar weet, u wordt gemist.

Artur, 43 jaar
Artur, Artur,
waar, waar ben je gebleven ?
De trappen van de Beurs
zijn leger zonder jou,
de smurf van het Centraal Station
kijkt uit naar jou.
Artur, waar ben je gebleven ?

Mirosław, 55 jaar
Mirosław, Mirosław,
we zullen nooit meer zien hoe je danst,
nooit meer zien
de snelle passen van je land.
Mirosław, je beluistert nu muziek,
voor altijd Pools, voor eeuwig klassiek.

Gyula Zsolt, alias Enrico, 38 jaar
Gyula Zsolt,
jij had veel klinkende namen,
vreemde namen,
maar je mooiste naam
was toch de Hongaarse klank
voor een wild, een prachtig, een dodelijk dier :
wolf.
Gyula, jij stierf waar wolven zelden sterven,
op straat.
Wie weet waar wolven nu gaan zwerven ?

Hugo, alias Marc, 73 jaar
Hij schreef gedichten en ze waren hem
een troost, al kokend leefde hij zich uit.
De natuur gaf hem de volle vreugde,
de dood verscheen en nam hem mee.

Adam, 22 jaar
Adam, kleine Adam,
je schudde je dreadlocks
in tunnels van punkers.
Je verdween op het kruispunt,
het hart van Europa,
Adam, Adam uit Pommeren in Polen,
in welke Brusselse tunnel
wuif je en wenk je ?

Gheorghe, 54 jaar
Hoe vreemd de dagen, hoe vreemder het lijf
Hoe wrang dit land, hoe verder de tijd.
Maar dichtbij, nader en naakter dan alle dood
en lood in je been
(en de mot in je mond
En langs je broer heen) –
Verdwijnen doe je nooit alleen.

Jerzy, alias « Le Général », 55 ans
Arrivé de Pologne il n’y a pas longtemps,
il errait dans les rues de Bruxelles entre la Porte
de Namur et l’Avenue Louise ; il est venu mourir ici,
épuisé et malade, il laisse un fils dans son pays.

Radosław, 41 jaar
Radosław, lange Radosław,
Radosław uit Siemiatycze,
hoe oostelijk, oostelijk ook,
ze noemen je streek daar
Klein België. Dus jij kwam,
jij dwaalde door Spanje, door Frankrijk,
lange Radosław,
dwaalde je terug naar een vriendelijk oosten ?

Chimere, alias Charles, 42 jaar
Je handen vol roet en bloed.
Het hart van steenkool.
Je ziel als wit papier
Met strepen en trekken.
Je groef in de mijn
In de schachten van het mens-zijn.
Je zocht jezelf – een blinkend, bar juweel.

Willy, 72 ans
Parfois
C’est juste le silence
Un trop grand silence
Parfois
On dirait qu’il n’y a rien à dire
Une ombre blanche dans la rue
S’éteint chez elle
En silence, retourne à la terre.
Tout seul
Avec ton nom bien d’ici.
Tu avais un fils pourtant
Qui de vous s’est absenté ?

Hamza, 32 ans
Ô étoiles cachées
Derrière les lumières
Ô soleils frigides
Le froid glacial avance vers moi
19
Aussi déterminé qu’un tueur à gages
Alors bienvenue Enfer
Là où la chaleur est de mise.

Grzegorz, 46 jaar
Grzegorz, Grzegorz,
wie duwde je de dood in, hier,
op de Koninklijke Straat.
Koninklijke Straten lopen van west naar oost,
van oost naar west, van Polen naar Brussel,
tot de plek waar je viel.
Grzegorz, Grzegorz, waar loop je, waar,
op welke Koninklijke Straat zwerft nu je ziel ?

Frank, 65 jaar
Hij verbleef enkel jaren in Poverello en was
daar heel behulpzaam. Hij was stil en discreet,
altijd met zijn neus in de boeken, putte hij er
veel wijsheid uit. De dood scheurde hem weg.

Philippe, 56 ans
Tu aimais marcher dans Bruxelles,
surtout la nuit.
Tu avais mis beaucoup d’énergie
« à remettre ta situation en ordre »
– pourtant, c’est la rue qui te vit partir.
Une de ces rues
qui, officiellement, ne compte aucun résident.
La ville continuera à s’ouvrir à toi,
la nuit,
pour que tu la rendes
un peu plus habitable.

Gilles, 50 ans
Dans l’ignorance
de ce qu’il vécut
tu prononces les mots
d’adieu et tu trembles
de ne pouvoir témoigner
Où sont les berceaux
et l’espace du nom ?
Où la bouche la prière
le baiser ?

Youssef, 40 ans
En mourant
Je me suis tant camouflé
Pour ne pas retourner
Porté sur les épaules
Pardon mes proches là-bas
Il n’y a pas de cadeaux
Dans le cercueil.

Dariusz, 37 ans
La mort est un invité qui vient toujours
trop tôt, elle se trouve devant la porte sans
être invitée ; indésirable, irrévocable, irritante.
Elle a rencontré Dariusz dans une cour rue Haute.

Mahmoud, alias Abbas Al Akkad, 44 ans
Et si vous épargniez
Ô poètes
Vos poèmes saisis
Sur des appareils électroniques
Et gardiez vos sentiments électrifiés
En vue de recueils moins ternes.

Emile, alias Milo, 63 ans
Avec son chien, il avait choisi Paris
La ville lumière, on dit
Il marchait, riait, vivait
Dans les rues de là aussi
Généreux
De ce qu’il n’avait plus
Recevait-il parfois des nouvelles d’ici ? d’ailleurs ?
De sa vie d’avant, lui restait-il l’envie d’en donner ?
Quand il est parti – certains disent au ciel –
Qui donc a pris soin d’Etoile ?

Wiktor, 60 ans
Vous étiez discret, et fier
Vous aimiez les bordures
(de ville pour dormir / tranquille)
Celles où l’on plante des fleurs, aussi
De vos mains vous travailliez, beaucoup
Du jardin à la cuisine
Dans le bâtiment, aussi.
Un jour, les mains n’ont plus voulu.
A moins qu’on n’ait pas vu que vous les tendiez ?

Krzysztof, 41 ans
Place Flagey,
avec son marché et son cirque
– c’est là que tu as pris le pouls de la ville.
Grand, costaud, avec une cicatrice près du nez
– ton apparence imposante
était tempérée par ton sourire et ton sens de l’humour.
Place Flagey
– ses calendriers resteront marqués à vie
par les jours de pluie et de beau temps
vécus avec toi.

Sebastian, 30 ans
Nous t’attendîmes en vain
au cimetière
sous une pluie battante
Simon, ton ami
de la Gare centrale,
avait emporté sa guitare
Le diacre semblait enveloppé
dans l’ouate grise
du chagrin
Tu fus rapatrié le lendemain
en Pologne
Repose en paix !

Lesław, alias Leszek, 51 ans
Il avait laissé ses cinq enfants à Rudka
Pour rejoindre son frère, trouver du taff’ pour s’en sortir des tracas.
Il avait 51 ans, originaire de Pologne, quand le destin cogne
Il ne fait pas de cadeau, très vite, il se retrouve en rue sans liens familiaux.
Il rêvait de réussir, il a fini par nager dans l’océan des maux,
Jusqu’à s’épuiser, la vie de rue, c’est un boulet !
La descente aux enfers était devenue son mode de vie ou de mort à petit feu…
Il survivait comme il pouvait et la bonté dans ses yeux…
Connu, apprécié de l’Entr’Aide des Marolles, de l’hôpital Saint-Pierre,
Du SAMU social, de Diogènes…
Ceux qui l’ont croisé, tous, se souviennent…
Essoufflé par l’air du froid, un 15 novembre 2016, Leszek est parti rejoindre les anges,
Là où plus rien ne le ronge, où plus rien ne lui est étrange,
Où tous ses rêves se baladent, sans que son état se dégrade.
Libre et libéré des mauvais naufrages, son corps fut rapatrié en Pologne,
Sa belle patrie, une partie de lui,
Leszek luit à vie, dans la mémoire de tous ceux qui l’ont connu en Vie.

Thomas, 34-36 ans
Défenestré tu perdis
la parole
et la double langue
tes gestes aigus
écorchaient
la lumière à midi
ils s’éteignirent
en novembre
dans l’arène de ta chute

Geraldo, 50 years old
Coming from distant mountains where sight is lost
Travelling across unfathomed jungles and piercing deserts,
Crossing rivers, cities, injuries, hopes and terrible diseases
Arriving emaciated,
drained,
broken…
half dead
You never lost your faith in humankind and happiness

Mohamed, alias Bruce, 49 ans
Ils m’ont mis debout
Comme une statue
Qui fait sa propre oraison funèbre
Pour que l’hémorragie s’arrête.
Jamais je ne te pardonnerai
Ô automne.

Michał, 36 ans
M’aurais-tu parlé, sur un banc du parc ?
M’aurais-tu regardée, de tes beaux yeux clairs ?
Tes amis savent peut-être
Ce que tu taisais
Dans ta fierté distante
Quel mal t’a pris par les entrailles
Avant de te ramener dormir pour toujours
Au pays natal

Dariusz, 47 ans
Son compagnon l’étreint
le maintient debout
comme l’arbre
vivant
enraciné dans le vide

Juraj, 42 ans
Tu portais encore autour du poignet
le bracelet de l’hôpital
où tu avais séjourné récemment.
Une note dans la presse du jour signale que
« il y a tout lieu de penser qu’il s’agit d’un décès naturel »
– aussi naturel que le froid glacial de la rue en décembre.
Tu portais encore ce bracelet-là
comme un dernier signe de vie
– un dossier, un suivi, quelque chose
qui garde une trace de ta présence.

Christian, 70 jaar
Eerst, altijd eerst die eenzaamheid (die geheid
Tussen steden doet verdwalen, en nooit verdwijnt)
– en ja : de stenen
Zwegen harder dan je mond. En als je sprak
Dan om een grap. De pointe van dit leven ?
Wie laatst lacht, wacht met geven.

Karel, 76 jaar
Karel, Karel,
jij kleine, nette architect,
wie weet waarom een mens
voorgoed vertrekt ?
Zul je nu je zorgvuldige maquette
te midden van de verre sterren zetten ?

Constantin, 53 years old
The unreal city welcomed you with great fanfare
Under the greyish fog of a winter dawn
It’s Christmas and despite the cold humid night
Everywhere there is food, and drinks, and songs
And you believe the party is for you too – you poor romantic soul -
Under the greyish fog of a winter dawn

Thierry, 66 years old
Face to face enduring disgraceful moments of solitude
Always finding strength when the first morning light bursts
Face to face with your own shadow crumbling like sand
Always finding courage when the first snowflakes are falling
Face to face with your destiny of poor solitary soul
Always finding a colourful joke, a never ending smile